LE PARRAIN DU BIATLHON DE LA WEISS....UN HOMME EXTRAORDINAIRE.....

article paru dans les DNA du 18 avril....c'est à dire hier.

À chaque fois qu’il décide de s’aligner sur un « Double iron-man », Guy Rossi réussit deux exploits en un. Parcourir 7,6 km à la nage, 360 km à vélo et 84 km à pied lors d’une seule et même compétition, ce n’est pas donné à tout le monde.

Mais continuer à le faire à 65 printemps – il les a fêtés le 8 avril –, tous les deux mois en moyenne après… trois décennies de pratique, voilà qui relève tout bonnement de l’invraisemblable.

« Je suis le premier des vieux croûtons »

De l’Allemagne aux États-Unis, de l’Autriche au Mexique, le Colmarien adresse un magnifique message à l’ensemble des amateurs de sport : avec un cœur gros comme ça, il n’y a pas d’âge pour réaliser ses rêves les plus fous.

« Il est possible d’effectuer un effort long sans se faire mal, en fonction de ses capacités du moment, précise le sexagénaire. Mais cela nécessite beaucoup d’entraînement et d’investissement personnel. Sur les épreuves, je constate que les listes se sont réduites au fil du temps. Les gars ne se sentent sans doute pas suffisamment préparés. Pour ma part, j’allais plus vite il y a quelques années. »

Du 1er au 3 mars, à Tampa (USA), dans le cadre de la première étape de la Coupe du monde 2013 d’ultratriathlon (voir programme en encadré) , il a tout de même bouclé son parcours en 31h41.

Chez les plus de 60 ans, personne ne fait mieux que Guy Rossi… à l’échelle planétaire !

« Je suis le premier des vieux croûtons », s’amuse-t-il ce matin-là, à Colmar, dans le salon de sa petite maison remplie de trophées. « Pendant la cérémonie de remise des coupes, j’étais l’un des rares à marcher normalement ! »

« Le ciné, la télé, les restos, je laisse ça aux autres… »

Le Marseillais de naissance, qui habite en Alsace depuis 1978, rectifie de suite lorsque l’on évoque la beauté de certains de ses périples à travers le monde. « Ce ne sont pas des voyages, mais des compétitions, insiste l’ancien enseignant. Il arrive que des athlètes me demandent si j’ai visité la côte. Je réponds systématiquement : ‘‘ Non, je me suis entraîné ’’. »

Et de poursuivre : « Voir du pays, ça ne me tente pas. Un jour, un collègue a loué un camping-car pour visiter la Floride. Mais ça ne me motivait pas. Quand je travaillais, je décollais deux jours avant la compétition et je repartais le lendemain. »

On peut donc se payer des billets d’avion, avec le soutien de quelques partenaires, sans être attiré outre mesure par une petite pause tourisme. Quelle que soit la saison, Guy Rossi reste invariablement obnubilé par la performance pure. « Je ne suis jamais saturé et quand je prépare une épreuve, je l’aborde toujours comme si c’était ma première, sourit le père de famille. Je me fixe un programme à accomplir à l’année. Je suis l’un des rares à établir un planning longtemps à l’avance. Rien n’est réalisé en dilettante. »

Toute la vie du Colmarien tourne, depuis 30 ans, autour de l’ultratriathlon. « Le ciné, la télé, les restos, je laisse ça aux autres. Et ce n’est pas un manque… »

En juillet 1986, il est « fauché sur la route » et tombe « dans le coma »

Sa femme, à la retraite elle aussi, et ses enfants se sont habitués à le voir descendre à la cave – « 15 à 20 heures par semaine » –, où il répète les efforts « en continu, sur un tapis de course et un home-trainer ».

« J’y suis tous les jours, développe-t-il. C’est rentable, efficace et sécurisant. J’ai arrêté de m’entraîner dehors parce que j’ai eu pas mal d’accidents. En juillet 1986, près de Niedermorschwihr, j’ai été fauché sur la route. Je me suis retrouvé une journée dans le coma… Ensuite, des amis triathlètes sont venus me voir pour m’offrir des bouquins que je n’ai jamais ouverts. Ils se disaient sans doute que j’étais foutu, que je ne m’en remettrais pas. »

C’était mal connaître le bonhomme. « Quelques mois après, j’ai repris l’entraînement et la compétition. »

Infatigable, inoxydable, Guy Rossi s’est façonné, dans sa discipline, une réputation de choix. « Ça me gêne mais au fur et à mesure que les générations se sont succédé, on a fini par m’appeler la légende vivante, confie-t-il. Ça fait quand même chaud au cœur. Je représente quelque chose, y compris pour les étrangers, qui me demandent des renseignements et des conseils. »

Pour garder la forme, le Colmarien s’est astreint à un régime drastique. « Je récupère très vite, mais cela induit une certaine hygiène de vie, souligne-t-il. Pas de charcuterie, pas de cochonneries… Le 11 novembre 1986, j’ai supprimé dans mon alimentation tout ce qui était d’origine animale. J’ai tenu jusqu’en 2011. Depuis deux ans, je me fais un peu plus plaisir, avec de la viande rouge et du fromage, mais sans excès. »

« Le jour où j’en aurai marre de me donner des coups de pied aux fesses… »

L’Alsacien d’adoption songe parfois à écrire un livre au sujet de ses exploits multiples. Il y est en tout cas incité par ses amis. « Mon meilleur souvenir, c’est toujours la dernière compétition. À chaque fois que je passe la ligne d’arrivée, même si le résultat n’est pas terrible, je vis un instant riche en émotions. L’ultra-triathlon, c’est à la fois une fête sportive, un moment de partage et une communion avec les autres concurrents. »

Guy Rossi n’est vraiment pas prêt à tourner la page. « Je le ferai le jour où j’en aurai marre de me donner des coups de pied aux fesses pour aller m’entraîner. »

Mais à l’entendre parler avec la foi d’un jeune loup en début de carrière, on l’imagine difficilement s’arrêter de lui-même. Tant que le destin lui accordera cette chance, il avalera les kilomètres, à la maison ou à l’autre bout du monde. Sans jamais se retourner…